Kessler galvanise les employistes

Nous analysons ici une intervention de Kessler, ancien vice-président du Medef. Sa syntaxe est approximative, le ton est geignard, plaintif. La diction est pâteuse, lasse, enfantine, mais l'orateur fait montre d'un caractère velléitaire en exhibant ses bobos. Il souffre. Il souhaite être plaint, être compris. Il réclame, dans une phase orale, une acceptation de sa personne, de son point de vue. Nous qualifierons cette posture de caliméro. L'orateur se présente en victime.

Vidéo de Denis Kessler - attention âmes sensibles

Mais au sein de sa victimisation, il y a un élément incongru, en décalage total avec ce qui le précède et ce qui le suit - décalage applaudi. Il s'agit du gaz de schiste - très impopulaire parmi la population et très populaire parmi les investisseurs. On pourrait dire que ce propos anti-écologique décalé par rapport aux vieilles revendications est le chiffres de l'intervention à moins qu'il ne s'agisse que d'un prétexte aux ratiocinations habituelles.

En tous cas, le discours de monsieur Kessler illustre le point de vue des actionnaires et, en l'inversant, peut illustrer à merveille le point de vue des producteurs.

C'est édifiant.

Il faut préférer l’accumulation à la redistribution.
C'est une opération. Entre l'accumulation et la redistribution, il y a un troisième terme évacué par cette manière de présenter les choses. La distribution.
Il faut respecter la finance plutôt que la traiter en ennemie. Surtout que l’on peut éventuellement avoir besoin d’elle.
C'est une opération. Ce n'est pas l'économie qui a besoin de la finance mais la finance qui a besoin de l'économie. Présenter la forme de la propriété lucrative comme 'utile' alors qu'elle est parasitaire d'un point de vue productif. Cette façon de présenter les choses défend les privilèges du fructus de la propriété lucrative. Le point de vue est celui des propriétaires lucratifs, curieusement, ce n'est pas celui des patrons qu'il entend représenter.
Nous devons toujours privilégier l’économico-social, le salaire direct aux prestations sociales, le travail plutôt que la politique stupide de réduction et de contingentement du temps de travail. La défiscalisation des heures supplémentaires plutôt que la spoliation fiscale et sociale des revenus du travail de ceux qui bossent.
La confusion entre le travail et l'emploi sert l'idéologie de la soumission de l'employé aux patrons et du patron aux actionnaires. Au nom de la défense producériste des employés, de leur rémunération, on va augmenter le temps d'emploi, augmenter l'offre d'emploi dans un marché saturé, ce qui en diminue le prix, ce qui diminue les salaires. Autant savoir où on met les pieds. 
Nous devons toujours rechercher l’équilibre entre les droits et les devoirs plutôt que l’octroi et ininterrompus de nouveaux droits incessants non financés et sans contrepartie.
En d'autres termes, l'ennemi de monsieur Kessler, c'est le salaire social. Ce qui rend malade l'investisseur, c'est la possibilité de salaire sans la soumission de l'employé au vouloir patronal. Nous prenons acte.
Mesdames et Messieurs, nous devons investir dans le gaz de schiste plutôt que d’envisager le retour à la traction bovine. (Applaudissements)
C'est le chiffre, l'objectif de l'intervention ou, au contraire, le cheval de Troie de cette étrange idéologie.
Il faut privilégier un Etat qui exerce pleinement ses fonctions régaliennes plutôt qu’un Etat touche à tout qui intervient dans quantité de domaines dans lesquels il est inefficace.
L'opposition à l'État s'explique par les rapports de force favorables qu'il est susceptible d'introduire entre les producteurs et les propriétaires. La fonction publique constitue une niche insupportable pour les actionnaires non parce qu'elle est soi-disant inefficace mais parce que, au contraire, elle parvient à être efficace, à produire de la valeur hors emploi, ce qui constitue des oasis insupportables pour les esclavagistes employistes.
S’agissant des entreprises, et c’est notre responsabilité, nous devons préférer encourager les entreprises profitables et indépendantes plutôt que les entreprises sous perfusion, les entreprises qui distribuent des dividendes plutôt que celles qui font des pertes régulières.
Le but des entreprises est révélé: distribuer des dividendes. De nouveau, l'opération d'opposition entre deux termes permet d'évacuer le troisième: l'entreprise qui exerce une activité économique créative de valeur sans distribuer de dividende et sans aide publique. Ce troisième terme comprend toute l'activité économique qui n'est pas soumise aux actionnaires, notamment toute l'économie qui n'est pas concernée par l'argent et la chrématistique.
Nous devons préférer la retraite à la carte à l’indéfendable retraite légale à 62 ans et la nouvelle hausse de cotisations réduisant le pouvoir d’achat des salariés et réduisant les marges des entreprises.
Bien sûr, la retraite par capitalisation est une pyramide de Ponzi comme nous l'avons démontré. Le fait que Kessler la préfère à la répartition, sûre et stable depuis soixante ans dans toute l'Europe, atteste sa volonté d'en détourner une partie dans son secteur, l'assurantiel.
Je préfère les fonds de pension aux régimes avec des trous sans fond.
Je préfère la capitalisation à la répartition.
Moi, je préfère un contrat de travail privé à un statut public, je préfère un contrat à une convention, je préfère une convention à une réglementation.
L'investisseur, le propriétaire lucratif préfère le rapport de force sous l'aiguillon de la nécessité poussé à son paroxysme à la justice, au droit.
Maintenant, si on fait systématiquement le choix inverse de ce que j’ai proposé, la France déclinera, déchoira et merdoiera.
 Le déclin de monsieur Kessler, c'est la baisse du taux de profit. C'est ce qu'il appelle merdoier.

Et, comme nous ne sommes pas chiens, nous appelons de tout notre cœur au merdoiment de la France, à l'anéantissement du taux de profit, à la socialisation des moyens de production, à l'abolition de la propriété lucrative, à l'extension à l'universalisation des retraites par répartition (à partir de 18 ans, mettons), au salaire, à la libération des liens de soumission de l'emploi, à l'abolition du servage à des actionnaires qui ne brillent pas par leurs talents tribunitiens.

Nous appelons à l'intelligence, à la générosité, aux communs, au partage, à la créativité. Nous appelons à remiser les obsessions de monsieur Kessler dans les médias dominants et à vivre notre juste rapport de force.